Accueil > Economie et travail > Le travail du dimanche, ça existe déjà et ça n’a rien d’un libre choix

Le travail du dimanche, ça existe déjà et ça n’a rien d’un libre choix

dimanche 26 octobre 2008

Le gouvernement relance le débat sur l’autorisation du travail le dimanche. Le projet de loi pourrait même être voté avant la fin de l’année. S’appuyant sur un sondage* publié par le JDD le 12 octobre dernier, Xavier Bertrand, Ministre du Travail, argumente qu’une majorité de Français veulent travailler le dimanche, qu’il faut « laisser la liberté à ceux qui le souhaitent de pouvoir le faire », mais « sur la base du volontariat » et « moyennant des garanties. »

C’est ignorer bien des réalités du travail de dimanche dans notre pays…

 Première réalité, le travail du dimanche existe déjà. Dans bien des secteurs et bien des commerces, les établissements ouvrent le dimanche en toute illégalité et sans être inquiétés.

 Deuxième réalité, contrairement aux idées reçues, le travail du dimanche est loin d’être systématiquement mieux payé que les jours de semaine. Si l’on exclut le secteur public (hôpital, police, etc.) et les grandes entreprises exerçant une mission de service public (transports, etc) où le cadre du travail dominical est bien normé, de nombreux salariés se voient contraints de travailler le dimanche sans supplément de salaire significatif, parfois sans supplément de salaire du tout. Et rien dans le projet de loi UMP ne garantit que cela changera. Derrière les effets d’annonces promettant de gagner le double, tout au plus le projet de loi prévoit-il « des majorations salariales »… tout en insistant que le cadre du travail dominical ne doit pas être fixé par la loi. M. Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, rappelle ainsi que « c’est aux branches d’activités et non à la loi d’en définir les conditions. ». Autrement dit, le salarié se retrouvera face à son employeur… Avec un travail dominical banalisé, il est même plutôt vraisemblable que les revenus salariaux et autres avantages sociaux de ce jour qui existent dans certains secteurs finissent également par être remis en cause.

 Troisième réalité, en ces temps de chômage et de baisse de pouvoir d’achat, il est illusoire de croire que les employeurs proposeront et que les salariés choisiront. Les employeurs imposeront, c’est d’ailleurs déjà le cas, comme en témoigne de nombreux salariés qui sont actuellement dans cette situation – ou plutôt de nombreuses salariées, car ce sont souvent des femmes. Et ce chantage à l’emploi est omniprésent dans l’argumentaire gouvernemental : « si la réglementation actuelle d’interdire le travail le dimanche ne change pas, des entreprises vont fermer et des milliers d’emplois de salariés vont y perdre », déclare ainsi Xavier Bertrand… alors même que bien des économistes doutent que l’ouverture des magasins le dimanche permette un accroissement du chiffre d’affaires et un développement de l’emploi.

La soit-disante liberté ne peut servir d’alibi à tout. Quand il y a des tensions aussi fortes qu’actuellement sur l’emploi et sur le pouvoir d’achat, il n’y a pas de liberté de choix, il y a des décisions contraintes. Non, la majorité des Français ne veulent pas travailler le dimanche, ils préfèrent le passer en famille et entre amis. Mais ils ont besoin de vivre décemment, avec des revenus décents. Le travail du dimanche n’a rien d’un travail choisi, c’est un travail subi, qui déstructure le seul jour où la vie familiale et le lien social peuvent s’épanouir. Laissons le travail dominical aux missions de service public essentielles, au commerce alimentaire de proximité, aux loisirs et aux activités culturelles.

E.F., section LDH Paris 14/6

* On précisera également que le fameux sondage Ifop Publicis Consultants pour le JDD n’est pas aussi tranché que ce que la presse a bien voulu en dire… La question est en fait formulée ainsi : « Travailler le dimanche est payé davantage qu’en semaine. Si votre employeur vous proposait de travailler le dimanche, accepteriez-vous ? ». Et les réponses sont plutôt mitigées : « non jamais » (33 %), « de temps en temps » (50 %) et « toujours » (17 %).