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Pour un procès en révision des tirailleurs « sénégalais » rescapés du massacre de Thiaroye

mercredi 22 avril 2015, par Cécyle

Armelle Mabon, historienne, Boubacar Boris Diop, écrivain, Ben Diogaye Beye, cinéaste, Dialo Diop, homme politique sénégalais, Louis-Georges Tin, président du Cran, Mehdi Lallaoui, réalisateur, et de nombreuses personnalités et descendants des victimes du massacre de Thiaroye (1944), demandent à la ministre de la justice « de prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre la révision du procès tendant à l’annulation des condamnations » et lancent une pétition.

Le 5 novembre 1944, plus de 1 600 ex-prisonniers de guerre qui avaient passé, pour le plus grand nombre, quatre années de captivité dans les Frontstalags en France, après s’être battus contre l’ennemi allemand, ont quitté Morlaix pour rejoindre leur terre natale. C’était le premier contingent de tirailleurs dits « sénégalais » à rejoindre l’Afrique occidentale française (AOF) pour être démobilisés. Après s’être évadés, certains avaient rejoint les rangs de la Résistance (Forces françaises de l’intérieur).
Le 1er décembre 1944, à la caserne de Thiaroye au Sénégal, ces rapatriés qui avaient réclamé leur rappel de solde de captivité ont été rassemblés sur ordre des officiers devant les automitrailleuses, qui ont tiré, faisant officiellement 35 morts alors qu’il manque, selon les sources, plus de trois cents ex-prisonniers de guerre, entre l’embarquement et le débarquement. Les enquêtes diligentées par les ministères de la Guerre et des Colonies ont conclu à l’époque à la nécessité de la riposte lourde suite à une rébellion armée et au caractère illégitime des revendications.
Le 5 mars 1945 à Dakar, trente-quatre « mutins » rescapés du massacre ont été condamnés à des peines pouvant aller jusqu’à dix années d’emprisonnement avec dégradation militaire, interdiction de territoire, amendes pour rébellion armée, refus d’obéissance, outrages à des supérieurs. II fallait faire taire ceux qui revendiquaient l’égalité des droits et pouvaient perturber un ordre colonial déjà chancelant à la sortie de la guerre.
Le travail des historiens a fini par révéler des documents falsifiés et montrer que le récit officiel est, en réalité, un mensonge d’État qui a permis de camoufler la spoliation des soldes de captivité, le massacre prémédité, le nombre exact de victimes et de faire condamner des innocents.
Il a fallu attendre soixante-dix ans avant qu’un président de la République n’évoque cet événement et ne se montre disposé à reconnaître la réalité des faits. Le président Hollande, dans son discours en hommage aux tirailleurs « sénégalais » prononcé le 30 novembre 2014 au cimetière de Thiaroye, a exprimé clairement « son refus de poursuivre un déni officiel de plusieurs décennies » et a salué « la mémoire d’hommes qui portaient l’uniforme français et sur lesquels les Français avaient retourné leurs fusils. » Il a annoncé solennellement sa volonté de réparer une injustice sans pour autant évoquer la saisine de la commission permettant d’innocenter ces hommes condamnés pour un crime ou des infractions qu’ils n’ont pas commis.
Le procès du 5 mars 1945, entaché d’irrégularités, avec une instruction à charge pour accréditer la version de ceux qui donnèrent l’ordre d’ouvrir le feu, a lourdement contribué à produire une histoire falsifiée de cet événement. Ces prétendus « mutins » ont bénéficié des lois d’amnistie en 1946 et 1947 mais demeurent coupables.
Le doute sur leur culpabilité est désormais acquis et rien ne peut s’opposer à ce que ces hommes bénéficient à titre posthume de l’article 622 du code de procédure pénale prévoyant la révision du procès lorsqu’après une condamnation, vient à se produire un fait nouveau ou à se révéler un élément inconnu de la juridiction au jour du procès. La ministre de la Justice, doit, par souci d’équité, saisir la commission d’instruction pour que la formation de jugement de la cour de révision et de réexamen puisse annuler les condamnations qui lui paraissent non justifiées et décharger la mémoire des morts.
Saluer la mémoire de ces hommes c’est veiller, à présent, à rétablir dans leurs droits ceux qui ont été injustement condamnés.

Ces tirailleurs ex-prisonniers de guerre doivent être réhabilités
Paul Niagne, Baraky Yoro, Ibou Senghor, Bakar Amat, Doudou Diallo, Antoine Abibou, Foromo Toubadolo, Gaston Ouerou, Sami Béavogui, Araba Koné, Foromo, Seydouba Camara, Ouli Keita, Tandaogo Belem, Koundiagne Keita, Karimou Sylla, N’Gor Diouf, Fasseri Coulibaly, Koyale Boyagui, Nyagha N’Gom, Foune Sissoko, Kotou Diakhité, Albert Nyacha, Kaba Kone, Gopou Kamara, Victor Donoule, Bouton Taraore, Samba Naoma, Timbela Belem, Tangara Dangeli, Kemisse Dembele, Soungalo Taraore, Tiedam Taraore, Amadou Diop.
Les familles ont droit à une réparation, nous avons tous besoin de cette justice exemplaire.
Nous, signataires de cette tribune, demandons à Madame la garde des Sceaux, ministre de la justice de prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre la révision du procès tendant à l’annulation des condamnations. Nous demandons également aux institutions compétentes de mettre tout en œuvre pour que les documents permettant de mettre un nom aux victimes soient accessibles et d’accorder les moyens d’investigation nécessaires pour s’approcher encore plus de la vérité.

Pour signer la pétition et voir les signataires, c’est ici.